Que reste-t-il de l’énergie créative des débuts ?
En intitulant leur exposition «Inkunstruction was Guillaume Antzenberger + Renaud Combes + Samuel François», le trio d’artistes revient sur une histoire révolue, mais de celle que l’on n’oublie pas.
Réunis en collectif, Inkustruction avait à l’époque marqué les esprits par sa capacité à renouveler un art urbain ronflant, en brouillant les frontières de la couleur, de la forme et de la surface. Une dizaine d’années plus tard, le fruit de leurs retrouvailles entraînent les mêmes adjectifs : low-tech, ludique et surprenant. Pourtant quelque chose a changé. Le pop des premières heures a cédé place à un surréalisme plus crypté, moins immédiat, comme en témoigne «First Dating» cette boite crépie signée Samuel François, abritant une reproduction des Demoiselles d’Avignon de Picasso. Certes, la peinture s’affiche toujours là où on ne l’attend pas (notamment avec ce jeu de renvoi entre les motifs fleuris de chaises de jardin et des toiles peintes repliées sur une échelle, également signées François), mais tout raisonne différemment. Reno Combes propose «2000-2010» un patchwork très graphique de tee-shirts, faisant basculer cet assemblage de textiles vers sa fonction première: le plaid et son confort casanier. Quant à «Pavillon» de Guillaume Antzenberger, il abandonne l’asphalte et la vitesse pour muter en une architecture pesante et hybride, tenant autant de la cheminée que du pavillon résidentiel.
Voilà ce que nous offre à voir cette installation à six mains : l’inévitable transformation d’une énergie adolescente en une créativité domestiquée, mature et quasi-investie d’une responsabilité familiale. Les préoccupations ne sont plus les mêmes, mais l’envie est toujours là, assurément.
Justin Morin, 2010